La Clavis compendii, rédigée par Jean de Garlande au début des années 1230, est la seconde en
date de ses trois grammaires versifiées. Composée, tout comme les deux autres, le Compendium
grammatice et l'Ars lectoria Ecclesie, en hexamètres dactyliques, elle forme un ensemble
complexe à plusieurs égards, qui justifie l'ajout à l'édition princeps du texte d'une traduction
en regard. La forme métrique, que ne vient pas seconder un appareil de gloses aussi dense
que dans les manuscrits de l'Ars lectoria Ecclesie, constitue le premier rempart à la compréhension
directe du traité. Le collage de parties hétérogènes, de prime abord sans rapport
entre elles, ajoute à ces difficultés d'accès. Il apparaît cependant que l'oeuvre s'articule autour
de trois grandes parties distinctes, au sein desquelles coexistent des chapitres fortement
individualisés. Ce que l'on peut identifier comme le «premier livre» du traité y est consacré
à la récapitulation de définitions et règles grammaticales simples, telles que les enseignent
les grands manuels en vogue à l'époque de Jean de Garlande, et qui lui donnent l'occasion
de critiquer et corriger les deux plus célèbres d'entre eux, le Doctrinale d'Alexandre de Villedieu
et le Grecismus d'Evrard de Béthune. Notes et excursus divers, grammaticaux, mais aussi, à
l'occasion, lexicographiques, ponctuent et complètent l'ensemble. Le second livre affiche
un parti plus ambitieux, et constitue la partie la plus homogène de l'oeuvre. Contrairement
à la première, qui se contentait d'énoncer les règles «positives» de la grammaire, cette partie
interroge les propriétés des parties du discours afin de mieux cerner les principes moteurs de
la syntaxe, vue à travers le prisme de concepts physiques issus directement d'Aristote, et que
Jean, parmi les premiers, applique à la construction. L'appareil métatextuel présent dans les
manuscrits insiste sur le caractère spéculatif de cette partie, qui suit pour large part le cours
des commentaires sur les livres XVII et XVIII (de constructione) des Institutions grammaticales de
Priscien. Le livre III consiste quant à lui en trois grands ensembles lexicaux, le premier constitué
d'explications de vocables, d'origine hébraïque pour la plupart, tirés de la Bible, le second
de differentiae, le troisième de termes médicaux.
L'esprit digressif de l'auteur, qui vient souvent interrompre cette architecture générale, n'a
d'égal que la variété des sources, grammaticales, sémantiques, lexicographiques et littéraires,
dont il se sert pour rédiger son traité. De cette multiplicité des centres d'intérêt garlandiens
émergent des réflexions et des concepts originaux, voire novateurs, et qui pour
certains influenceront les théoriciens du langage de la génération suivante.