Y a-t-il un langage du corps ? Autour de cette question s'est constitué un champ de recherches, la communication non verbale. Des disciplines comme l'éthologie, l'ethnologie, la psychologie, la sémiologie... tentent d'en maîtriser les variables. Mais elle se vend aussi sous forme de manuels pratiques, qui flattent le désir de divination, le narcissisme, ou la tentation de sonder les reins et les cœurs.
Un regard rétrospectif montre que c'est au cours de la seconde moitié du XIXe siècle que s'inaugure une telle situation. Une exigence de scientificité s'affirme, en opposition aux autres types de discours, et particulièrement ceux de la vieille physiognomonie qui prétend lire les limes sur les visages, comme d'autres prétendent le faire dans la main. C'est à travers tout un réseau d'auteurs, d'origines diverses (naturalistes, médecins, psychologues, anthropologues, artistes...) mais rassemblés autour de références communes, qu'on perçoit cette constitution de la communication non verbale en objet scientifique.
D'où vient la signification des gestes et mimiques ? Ont-ils valeur universelle ? Le corps est-il le miroir fidèle de l'âme, ou peut-il dissimuler, voire simuler ? Se pose alors un problème de méthode : la diversité des gestes et expressions se prête-t-elle à des classifications ? Et une approche réflexive conduit à soulever le délicat problème de la science. A quelles conditions peut-on, sur le geste signifiant, construire un discours scientifique ? Telles sont les questions que se posent alors des auteurs aussi prestigieux que Darwin, Wundt, Alfred Binet ou Georges Dumas.