En publiant La Conquérante (Ire édition, Plon, 1943), Robert Brasillach veut y affirmer que le temps n'a pas de prise sur la jeunesse, ce « don de la mémoire ».
Ce roman s'inscrit, bien sûr, dans la lignée de notre littérature coloniale (très riche dans les années trente). Mais c'est aussi - et peut-être surtout - un livre tout irrigué de piété filiale. Piété filiale parce que Brasillach l'a écrit dans le souvenir de son père, Arthémile Brasillach, capitaine de la Coloniale, tombé au combat à Khénifra, au Maroc, le 13 novembre 1914. L'auteur des Sept Couleurs avait alors cinq ans. Il y a beaucoup de lui-même dans le personnage de Brigitte Lenoir, une femme personnifiant le courage uni à la tendresse, qui choisira d'assumer l'héritage de son père dans un Maroc en voie de pacification.
La Conquérante, c'est le désert, la solitude, la menace des cavaliers rebelles. C'est le Maroc de Lyautey, présent tout au long du récit. Lyautey avait écrit : « Je meurs de la France. » Brasillach écrira : « Mon pays me fait mal. »
Le lecteur pensera, en lisant La Conquérante, au grand roman de Claude Farrère, Les Hommes nouveaux (Flammarion, 1922), mais, plus encore, à celui d'Émile Nolly, Le Conquérant (et cette Conquérante répond à ce Conquérant), publié chez Calmann-Lévy en 1915. « Nolly » était le pseudonyme littéraire du capitaine Détanger, tué à l'ennemi, en Lorraine, le 5 septembre 1914. Il avait trente-trois ans. Brasillach en avait trente-quatre quand il écrivit La Conquérante. Ce n'est pas un hasard.