Robert de Clari a été amené à créer une nouvelle forme de
chronique, aux antipodes de celle de Villehardouin qui est un texte
«pressé», fortement lié, allant droit au but sans digressions ni excroissances.
Sur la trame d'une chronique, celle de la Quatrième Croisade,
qui relève elle-même, à bien des points de vue, de la merveille et du
miracle, Robert de Clari a greffé un recueil de mirabilia et de memorabilia,
de choses merveilleuses qu'il convient de rapporter, explorant
toutes les formes du surnaturel (merveilleux, miraculeux et magique), en
sorte que son récit éclaté est le moins unifié, à cause de son goût
prononcé pour l'anecdote et la digression.
Si Villehardouin s'impose à nous par sa forte personnalité, son action
constante à la tête de la Quatrième Croisade comme ambassadeur,
négociateur, conseiller et capitaine, et le rôle important qu'il y joua,
Clari, qui se fond dans la masse, est un bon échantillon de la petite
chevalerie des XIIe et XIIIe siècles, qui nous permet de pénétrer au coeur du
Moyen Âge et nous procure de précieux renseignements grâce auxquels
nous pouvons mieux apprécier les divergences qui opposèrent les
croisés.