Publié à titre posthume en 1900, La Correspondance de
Fradique Mendes avait paru en livraisons éparses à partir
de 1888 dans de grands journaux de Rio de Janeiro et
de Lisbonne. Les lettres à des correspondants fictifs,
signées Fradique, étaient précédées de la biographie
tout aussi imaginaire de cet élégant et paradoxal dandy,
prétendument rédigée après sa mort par son meilleur ami.
Il y a donc un jeu plus que troublant entre le personnage,
son supposé biographe, et Eça de Queiroz lui-même,
qui a conduit récemment certains critiques à y voir des
figures du double, et même, déjà, de l'hétéronymie.
On s'amuse en tout cas beaucoup à suivre ce dilettante
très fin de siècle dans ses pittoresques aventures, à Paris
ou à Lisbonne, ou encore au Caire... Ses lettres, brillantes et
enjouées, complètent le tableau offenbachien d'une société
cosmopolite au seuil du XXe siècle : chroniques légères,
marivaudage, portraits au vitriol de «types» balzaciens, ou
saynètes aussi cruelles qu'hilarantes, elles dénoncent déjà
les abus du progrès, les ridicules de la politique, les ravages
d'une presse partisane, ou les hypocrisies religieuses.
La Correspondance de Fradique Mendes, d'une stupéfiante
modernité et d'une irrésistible drôlerie, est à inscrire parmi
les grandes oeuvres du XIXe siècle.