La croix, exercice spirituel
L'épithète « spirituel » éveille quelque soupçon, de par l'usure qui menace ou affecte de nos jours tous les vocables, qu'ils soient de philosophie, de théologie ou, plus simplement, d'usage commun. On ne prétend, dans ces pages, ni résumer d'insondables richesses, ni leur faire une quelconque publicité, mais unir d'un même élan les trois dominantes qui caractérisent la croix comme exercice spirituel. La première a ses lettres de noblesse dans une longue tradition et son modèle dans la Mère du Christ au pied de la Croix. Ici, l'« être-dans » (dans le creux du rocher, ou dans les plaies du Sauveur) ne se dissocie pas de l'« être-auprès » que commentaient jadis les strophes du Stabat Mater. La seconde de ces attitudes se rallie au « serviteur souffrant » que le jugement dernier (cf. Mt 25) nous montre en parfaite immanence avec et dans « les plus petits de ses frères ». Elle vise, en une sorte de justice christique, à donner au Christ le visage et la plénitude humaine qui lui manque. La troisième de ces attitudes accentue la force critique de la Croix, dans la mesure où elle prolonge la contestation des idoles qu'instaura Israël. On y retrouve l'austère Parole qui se joue des « puissances », quelles qu'elles soient, lorsque par entraînement ou fascination, elles menacent ce retrait de liberté qui, à l'instar de la Croix, s'exerce dans le quasi-rien d'une distance à prendre.