Jean Bernabé rappelle que, conformément aux enseignements de l'Histoire,
l'idée d'une fixité des peuples constitue un dangereux fantasme, qu'il importe
d'éradiquer. Il signale par ailleurs que les tenants résolus de l'identitarisme
tout autant que leurs adversaires déterminés ont paradoxalement en commun
la même conception biaisée de l'identité. En lieu et place d'une posture
moralisatrice, il préconise et met en oeuvre une démarche rationnelle qui,
au lieu de se complaire dans une vertueuse réprobation des conséquences,
s'applique à une vigilante recherche des causes. Cet essai ne se satisfait
pourtant pas du remplacement de l'expression jugée impropre «identité des
peuples» par celle, réputée pertinente, de «spécificité ethnoculturelle»,
cette dernière formulation impliquant précisément l'idée d'une évolutivité.
Quoiqu'indispensable, une simple substitution terminologique n'est en effet
pas censée modifier les mentalités et les comportements, tant que ne seront
pas mis en oeuvre les moyens propres à prévenir, voire à juguler l'accident
conceptuel affectant les options politiques et géopolitiques de l'Humanité.
Cette dérive étant décrite comme cognitive à partir d'analyses linguistiques
diachroniques et synchroniques, sa compréhension et sa conscientisation
devraient donc constituer la première étape de la thérapie à adopter. Aussi
l'éducation des jeunes, plutôt que de se limiter au premier degré de la
transmission des connaissances, devrait-elle accéder au deuxième, à savoir
la connaissance de la connaissance. Le recours au support des technologies
modernes d'information et de communication s'avère à cet égard adéquat à
la condition expresse qu'il permette d'impulser, à l'échelle de la planète, un
élan décisif à la prise de conscience généralisée qui s'impose en la matière.