C'est peut-être en inventant cet artefact inutile - le vêtement
- que l'homme préhistorique a accédé à son humanité
véritable. En effet, l'homme-bête était velu, et pour
lui le vêtement ne répondait à nulle nécessité physiologique.
C'est même par l'usage de ce second épiderme
(protecteur, décoratif, ritualisé) qu'à la longue il est devenu
ce "singe glabre" toujours plus préoccupé de s'éloigner
de l'animal qu'il se sait être, dont les fonctions
excrétoires et les pulsions sexuelles n'ont de cesse de
le rapprocher. Rapidement - aux alentours du Mésolithique
-, l'homme découvre l'appropriation et le travail
des peaux. Le vêtement prend forme et se fera, de millénaire
en millénaire, de siècle en siècle, de décennie
en décennie, puis de mode en mode, toujours plus complexe,
raffiné ou imaginatif. C'est qu'il s'agit avant tout
de jouer - essentiellement sur le corps féminin - avec
ce qu'il y a lieu (selon les époques de liberté ou de régression
des moeurs) de nier ou mettre en évidence,
de désigner en le masquant, de souligner en le dérobant
au regard - c'est-à-dire en le distinguant par une
présence juste suggérée. Rezvani s'amuse ici à raconter
- et à dessiner - ces multiples avatars du costume
féminin, et la surprenante évolution des normes et des
règles, de l'aube de l'humanité jusqu'à nos jours. Tantôt
voilée, dévoilée, dépoitraillée, corsetée, baleinée, androgynisée,
la femme serait donc réifiée par cette étrange
variation des fantasmes qui aliène son corps en prétendant
le magnifier - à moins qu'elle ne manipule
consciemment les pouvoirs que lui confèrent toutes les
attentes de la séduction ? En vérité, qui se joue de qui ?
Telle est l'énigme que nous invite à considérer ce bref
et brillant traité d'anthropologie du vêtement.