Le néo-libéralisme et son populisme de marché ont détruit «l'ancien
monde» de la musique populaire tel qu'il fonctionnait depuis les années
soixante. Il en résulte une perte d'influence pour les musiciens populaires
confrontés à une société de marché qui ne leur laisse guère de place
artistique et économique. Cette fragilité sociale engendre une fracture
musicale entre ces musiciens porteurs de valeurs esthétiques et des
«artistes populistes» propulsés par la télévision à travers la Star
Academy ou À la recherche de la nouvelle star, et soutenus à la fois par
les maisons de disques et les grandes chaînes de télévision y compris
publiques.
Mais cette fracture n'est pas uniquement musicale, elle est tout autant
sociale, qu'économique et politique car elle constitue un enjeu sociétal
majeur pour les années à venir. Il s'agit à travers la globalisation, de la
question de la survie de la diversité culturelle et plus particulièrement de
l'avenir des musiques réellement populaires, qu'elles le soient par
tradition ou par leur ancrage dans l'imaginaire populaire.
Contre le populisme de marché et la logique commerciale de l'art, ces
artistes populaires d'ici et d'ailleurs se distinguent avant tout des
«chevaux de Troie» du libéralisme par leur légitimité artistique et
culturelle. Ils s'opposent à travers leur esthétique «non formatée» au
spectre de l'uniformisation des goûts d'abord, et des cultures ensuite, à
l'échelle de la planète, effet majeur de cette «fracture musicale».
Les musiciens que nous définissons comme populaires par essence, ont
décidé de lutter pour abattre cette nouvelle frontière culturelle et
économique, avec leurs propres armes, notamment à travers l'idée
étendard de la création artistique comme forme première d'engagement
politique. Ce livre raconte donc à travers leur lutte au quotidien contre le
libéralisme, comment ces musiciens s'emploient pour faire émerger un
véritable contre-pouvoir, une force qui résiste aux impératifs du marché et
à la dictature «douce» du populisme musical et de ses effets néfastes pour
l'ensemble des cultures populaires.