Les intellectuels libéraux espagnols parlent au nom du peuple, mais d'un
peuple qui n'existe pas encore, qu'il faut former et éduquer dans un pays
rural qui a du mal à se démocratiser. Ils veulent faire entrer ce peuple au
Parlement mais sont confrontés à la présence des masses dans la rue et se
demandent s'ils ne se sont pas trompés sur l'identité de l'agent du
changement. Après avoir combattu la monarchie et contribué à l'avènement
de la Deuxième République, ils devront choisir leur camp face à la radicalisation
de la vie politique de 1934 puis au coup d'État du général Franco
en 1936. La plupart renoncent et prennent le chemin de l'exil, d'autres
deviennent des militants et se retrouvent aux côtés du peuple républicain.
L'alternative entre la réforme ou la révolution était devenue un dilemme.
Cette divergence illustre le malaise du libéral à la recherche du peuple
idéalisé sur lequel devrait se fonder le pacte constituant. La frustration de
l'intellectuel libéral naît du constat que ce système postule son propre
dépassement sans être capable de le réaliser. Miguel de Unamuno, José
Ortega y Gasset, Manuel Azaña, Antonio Machado : ce livre analyse quelques
itinéraires parmi les plus significatifs.