La Gloire de Notre-Dame
La foi et le pouvoir
Retransmis en direct par la planète médiatique, l'incendie du 15 avril 2019 suscite une émotion mondiale qui atteste de la gloire universelle de Notre-Dame de Paris, célébrée depuis le XIIe siècle par les textes, les images et les musiques. L'audace de son architecture fait de Notre-Dame l'archétype du sanctuaire chrétien et le symbole de l'élégance parisienne dans les enluminures médiévales. Elle est jusqu'à la Renaissance l'un des grands foyers intellectuels européens par son école doctorale où a enseigné Abélard, d'où est sortie l'Université de Paris et où s'est inventée la musique occidentale. Victor Hugo enrichit sa légende d'une dimension littéraire et fantastique qui inspire à son tour les modernités artistiques des XIXe et XXe siècles.
Édifiée en même temps que s'affirme la dynastie capétienne, Notre-Dame est un heu de pouvoir partagé entre le roi et l'évêque, rivaux en puissance temporelle mais unis contre les ambitions impériales des papes. Les premiers états généraux que Philippe le Bel réunit en 1302 à Notre-Dame pour proclamer l'indépendance de l'Église de France face à Rome en font le heu fondateur du gallicanisme. Par sa dimension sacrée, elle est aussi le heu de légitimation de la monarchie, qui y célèbre évènements dynastiques, funérailles des rois et des héros, victoires militaires et traités de paix. Puis elle trouve sa place dans la liturgie du pouvoir républicain. La cathédrale classée par l'Unesco est celle léguée par la restauration de Viollet-le-Duc : le débat sur sa flèche disparue pendant l'incendie montre qu'il faut réévaluer cette grande figure de la modernité.