La grande pirogue sans balancier
Le Dolphin à Tahiti
On le sait depuis quelque temps déjà : ce sont les Polynésiens qui ont découvert Tahiti. Reste que Samuel Wallis, commandant la frégate Dolphin, fut le premier Européen à y aborder. Mais souffrant de ce que l'on appelait alors « le mal des vaisseaux », il ne put quitter sa cabine pendant une bonne partie du séjour dans l'île. Heureusement son maître de manoeuvre, George Robertson, bien qu'il ne fût pas « gentleman » mais officier sorti du rang, avait une certaine éducation, et surtout un regard et une plume : ses descriptions des premiers contacts - des premiers regards - entre Européens et Polynésiens sont d'autant plus précieux qu'ils sont empreints d'une véritable humanité. Non pas de l'idéologie des Lumières dont Bougainville, l'année suivante, saupoudrera généreusement sa prose, mais d'une sensibilité sans fioritures à ce que pouvait éprouver ce peuple inconnu qui, se sentant envahi, attaquait courageusement pour se défendre et qu'on dut commencer par canonner. Les choses ensuite évoluèrent et, malgré incompréhensions et malentendus, firent place à un véritable échange.
Cette traduction du journal quotidien de George Robertson relate le périple du Dolphin entre le 1er juin et le 27 juillet 1767, depuis l'approche des Tuamotu du sud-est jusqu'à l'arrivée à Tahiti, et son séjour d'un peu plus d'un mois en baie de Matavai. Ce qu'ignoraient les marins de Sa Majesté Britannique, c'est que le Dolphin réalisait ainsi la prophétie de Vait(...), grand prêtre de Raiatea, qui avait - lors d'une transe visionnaire - annoncé la venue d'une grande pirogue sans balancier.