Trop souvent, on traite la jalousie et l'envie comme si elles
étaient interchangeables. Rien n'est plus faux. Ce livre part
de la théorie du désir mimétique de René Girard : le sujet
envie le modèle qui a éveillé en lui le désir pour un objet que
pourtant ce modèle se réserve. Il n'y a pas de désir sans rivalité ni
de rivalité sans désir. Or cette théorie échoue à rendre compte de
la jalousie. Élucider cet obstacle conduit à mettre en question le
caractère universel du désir mimétique.
Celui-ci prend au départ la forme d'un triangle : le sujet, le
modèle et l'objet. Or la jalousie relève d'une tout autre géométrie :
on souffre d'être exclu d'un monde qu'on voit se clore sur soi-même.
Dans la jalousie amoureuse, ce monde est formé par l'étreinte des
deux amants. Don Giovanni n'imite ni n'envie le paysan Masetto,
qu'il méprise ; mais il ne peut supporter le cercle amoureux qu'il
forme avec Zerlina. Son désir commence par la jalousie. Celle-ci
est, comme chez Proust, antérieure au désir.
Nourri de littérature, de philosophie et d'expériences personnelles,
ce livre débouche sur une théorie générale de la jalousie, cette
souffrance tenue pour une composante indépassable de la condition
humaine. Une postface d'Olivier Rey met cette théorie à l'épreuve
de la psychanalyse.