La jambe coupée d'Arthur Rimbaud
« C'est un monticule de terre, dans un jardin de curé.
Du cerfeuil, en petites vagues, s'y prélasse.
Des lupins, des pavots, des phlox, des lys, des oeillets, des asters, des embrassements de fleurs où parfois se détachent quelques mouches.
On ne voit plus de libellules, de papillons.
On entend toujours des oiseaux.
Ainsi, on peut rêver à ce qui est, autant qu'à ce qui manque.
Ce matin, près de la clôture, le monticule remue, le cerfeuil frissonne, la terre se soulève, le tremblement augmente.
Une fente qui s'élargit en faille non redoutable : on dirait un sourire à même la terre.
Les fleurs restent immobiles, la brise déjà légère s'est calmée entièrement, les oiseaux chantent plus longuement, un papillon, deux libellules sont revenus.
La faille se fige.
Il en sort la jambe coupée d'Arthur Rimbaud. »