La littérature au laboratoire
Le Stanford Literary Lab a ouvert un nouveau chapitre des études littéraires. Soucieux d'explorer l'histoire de la littérature à l'aide des ressources numériques, ce collectif de chercheurs s'est d'abord attaché à traduire en langage informatique la complexité des opérations mises en oeuvre par toute critique littéraire, pour éprouver les grands récits de la naissance et de l'évolution du roman ou du théâtre européen - et ce, à partir de corpus de textes trop immenses pour être embrassés par un seul savant, aussi érudit fût-il. L'ordinateur a honoré ici quelques-unes des promesses de la macrolecture à laquelle nous conviait Franco Moretti au début des années 2000, ce distant reading qu'il dirigeait alors contre les impensés et les apories du close reading. Au fil des expérimentations de ce Literary Lab, toutefois, les nouvelles technologies ont progressivement changé de statut : elles devaient rendre possible la vérification à très large échelle d'hypothèses audacieuses ; elles ont fini par défier les concepts mêmes qui entrent dans la formulation de ces hypothèses. Les humanités numériques se sont invitées au coeur de la théorie littéraire, et ce livre dessine l'un des futurs possibles de l'imagination scientifique appliquée à la littérature.