Jean Le Gac est un autoportraitiste. Il est un peintre qui a réussi à se représenter sans se regarder dans un miroir, refusant de se voir lui-même à travers la vision des autres. Il peint et cela lui suffit pour se voir lui-même à travers sa peinture. Il invente pour lui-même sa propre image qu'il ne voit pas. Il peint le peintre qu'il touche avec ses mains mais que ses yeux ne voient pas. Il touche avec ses crayons et ses pinceaux le peintre aveugle vers lequel il ne peut pas se retourner. Il tourne autour, il se déplace autour de lui. Il peint pour essayer de se voir lui-même. Peindre lui permet de se déplacer autrement pour tenter de se rejoindre, de se rapprocher de son image invisible.
Peindre est pour Jean Le Gac comme un mouvement de déplacement qui le mènerait vers lui-même et dont chaque coup de pinceau ou de crayon lui laisserait entrevoir son visage. Il ferme un oeil comme pour regarder à travers une longue vue ou un trou de serrure, et il voit le monde au lieu de se voir lui-même. Il voit que le monde intouchable l'a remplacé devant lui. Il met la main devant son front pour se cacher du soleil qui l'éblouit mais qui ne l'éclaire toujours pas lui-même. Il voudrait voir ce qu'il ne voit pas, il voudrait représenter ce que tous voient de lui mais que lui-même n'a jamais vu, ce que chacun ne voit pas de soi mais que l'autre voit.
Jean Le Gac cherche à nous montrer ce que nous ne voyons pas de nous-mêmes, ce qui nous aveugle et qui nous permet d'être voyants : la nuit qui nous recouvre pour nous découvrir dans le jour, ce qui est le propre de notre existence.