Elle ne vivra que vingt-huit ans, mais ce sera suffisant pour entrer
dans la légende et l'histoire du romantisme. Si Rossini, Stendhal,
Delacroix, Musset, Lamartine comptèrent parmi ses admirateurs
et soupirants, elle fut aussi adulée dans toute l'Europe du XIXe siècle, et
aujourd'hui encore des mains anonymes viennent fleurir sa tombe au
cimetière de Laeken, en Belgique.
Née en 1808 à Paris, María de la Felicidad García est la fille du ténor
espagnol Manuel García. Très tôt, le chanteur lui impose un enseignement
musical terrifiant tant par son rythme que par son exigence, la poussant
littéralement sur scène alors qu'elle n'a que six ans. Sa voix de mezzo-soprano,
d'une tessiture exceptionnellement étendue, son incomparable
beauté et sa présence sur scène la propulsent au sommet. Devenue «la»
Malibran, du nom de son premier mari, elle incarne la diva par excellence,
celle qui, mettant fin au règne des castrats, réussit à imposer au
public l'image de la prima dona assoluta, celle pour qui les compositeurs de
l'époque, dont Bellini et Rossini, écriront les plus beaux rôles d'opéra.
Véritable météore, elle fait un triomphe à New York, se produit dans toute
l'Europe, de Londres à Milan, de Rome à Paris, et épouse enfin, après un
divorce mouvementé, le violoniste belge Charles-Auguste de Bériot, son
seul grand amour, avant de mourir tragiquement des suites d'un accident
d'équitation, sa seconde passion.
La Malibran, qui a électrisé les foules, aura eu le monde pour scène et le
public pour paradis, avec cette voix incomparable qui la place au firmament :
«la voix qui dit je t'aime».