Traduction et notes de Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent
Dans La Métamorphose, il y a un personnage central doté d'une certaine dose de pathétique humain, placé au milieu de personnages grotesques, sans coeur, silhouettes pour faire rire ou pour faire peur, ânes se prenant pour des zèbres ou créatures hybrides entre lapins et rats... Ce qui fait la beauté des cauchemars personnels de Kafka, c'est que le personnage humain qui tient le rôle central appartient au même univers personnel et fantastique que les personnages inhumains qui l'entourent... mais il cherche à sortir de ce monde, à le transcender... L'absurde personnage central appartient au monde absurde qui l'entoure, mais, pathétiquement et tragiquement, il essaie d'en sortir pour accéder à un monde d'humains - et il meurt de désespoir... Vous remarquerez le style de Kafka. Sa clarté, son ton net et précis, qui forme un contraste si frappant avec le sujet cauchemardesque de son histoire. Nulle métaphore poétique ne vient ornementer ce récit tout en noir et blanc. La limpidité de son style souligne la sombre richesse de sa vision. Unité et contraste, style et sujet, manière et intrigue sont parfaitement agencés pour former un tout.
Vladimir Nabokov, Littérature.