En mai 2001, la France adoptait une loi reconnaissant la traite et l'esclavage des Noirs comme crime contre l'humanité. Et en septembre de la même année, dans la Déclaration de Durban, l'ensemble des pays de l'ONU reprenait cette condamnation. Dans les deux cas, les débats qui ont conduit à l'adoption de ces textes ont révélé une sorte de souffrance rétroactive, qui taraude encore. Comment expliquer, en effet, que des sociétés brillantes et humanistes aient pu si longtemps tolérer l'esclavage? Cette interrogation est à l'origine du présent essai, qui explore les liens entre l'histoire de l'esclavage dans le monde moderne et la difficile reconnaissance des droits de l'homme depuis le XVIe siècle.
Mobilisant une vaste documentation historique, Yves Benot analyse la spécificité de la traite et de la mise en esclavage des Noirs par les puissances européennes dans les Amériques et l'océan Indien. Pour ce faire, il s'intéresse d'abord à l'esclavagisme des Grecs et des Romains, puis à ses successeurs, avant d'évoquer en détail la traite des Noirs. Pour chacune de ces deux grandes périodes, il évoque la place de l'institution dans la vie économique des sociétés esclavagistes, les théorisations et débats, enfin l'intervention des esclaves et leurs insurrections.
Celle, victorieuse, des esclaves de Saint-Domingue, inaugura le long siècle des abolitions. Mais le capitalisme moderne a toujours eu recours à des ersatz d'esclavage, combinés lors de l'expansion coloniale à l'usage de la torture, qui marque encore tant de pays. C'est dire que cette réflexion philosophique et historique sur le rapport entre la condamnation de l'esclavage et le progrès moral de l'humanité est d'une profonde actualité.