Une foule de naïvetés encroûte, aujourd’hui comme hier, la notion de morale, la rendant à peu près inintelligible. Désormais détachée de son antique ancrage religieux (du moins dans nos contrées), elle a pour réputation contradictoire de s’être perdue et de faire de la résistance, d’être universelle et historiquement ou culturellement déterminée, d’être une et multiple, obsolète et essentielle, collective et à usage personnel, absolue et relative, science (du bien et du mal) et croyance, voire simple sentiment. Et ainsi de suite.
Objet de répugnance instinctive (ne risque-t-elle pas de porter tort à notre liberté et à nos plaisirs ?) ou encore de raillerie (de la part des esprits dits « désinhibés » ou « libres »), elle est pourtant une affaire assez sérieuse pour que les hommes se fassent la guerre (par la voie des mots plus encore que par celle des armes), alors qu’elle est censée condamner la violence.
Chacun paraît se prétendre expert et gardien en matière de mœurs, de valeurs, d’éducation. On ne saurait en rester là, sauf à sombrer dans le dogmatisme le plus désolant.
Le présent ouvrage entreprend de la rendre à sa clarté et à sa cohérence, en la passant – une nouvelle fois – à l’épreuve de la philosophie, c’est-à-dire, enfin, de l’interrogation sceptique.