Je n'ai jamais rencontré un être qui incarne à ce point la notion de personnage, ce qu'elle suppose de présence absente, de lumières et d'ombres, de faculté à s'affranchir des limites communes de l'espace et du temps. Il habitait la vie, mais la durée de cette vie ne lui allait pas. Quand elle était menacée, il signait encore « à toujours ».
Outre ses talents d'éditeur et d'écrivain, c'était son âme, son caractère, ses manières qu'on célébrait, cette façon d'ouvrir à la vie comme on ouvre à coeur, ce doute heureux qu'il instillait en toute entreprise, ce doute qu'on appelle l'espoir ou la fiction, ce doute qui prouve que la règle a besoin d'exception.
Qu'avais-je à lui dire ? De quoi voulais-je lui parler ce jour où la neige s'était mise à tourbillonner dans la rue Pierre-Semard ? D'un livre, sans doute, mais lequel ? Je devrais m'en souvenir. Je me souviendrai de plus en plus de Jean-Marc Roberts.