A la Fortuna comme ailleurs, on aime à caricaturer,
on se plaît à mettre des étiquettes sur
autrui, pour le rendre plus lisible, pour le cataloguer
plus facilement. On se passe des nuances,
peu commodes à l'usage. Le monde s'en trouve
considérablement moins embrouillé. Par chance,
ces étiquettes, attribuées à la hâte, s'avèrent
souvent définitives. Gringo un jour, gringo
toujours, c'est écrit sur des cheveux trop blonds,
sur un iris trop clair, sur une peau trop pâle. Il
n'y a pas de mystère, le grand soir attendra, et le
prince bleu n'existe pas. Mais peut-être vaut-il
mieux reprendre par le commencement :
«Elle disait s'appeler Celeste, et c'est sous ce
nom, confie-t-on, qu'elle se fit engrosser par le
représentant d'une importante multinationale,
dans la moiteur d'une nuit estivale, en janvier
1984, peu après l'élection de Raúl Alfonsín à
la tête de l'Etat argentin.»