«Réserve de pensée, le mythe a fini par vivre d'une vie
propre, à mi-chemin entre la raison et la foi ou le jeu. En
lui a pris sa source toute la méditation des Grecs, et,
après eux, celle de leurs lointains héritiers ; c'est à
lui que les poètes tragiques demandèrent leurs sujets
et les lyriques leurs images. Prométhée, OEdipe, Oreste
ont été, d'abord, des héros de légende. Les images
d'Achille et d'Ulysse, la folie d'Ajax, indéfiniment reproduites
sur les vases : cruches à vin, coupes, récipients
de toutes sortes, mêlaient le mythe à la vie quotidienne
et le rendaient familier. À la maison comme au théâtre,
ses figures sont des compagnes qui imprègnent la
pensée, occupent l'imagination, dominent les conceptions
morales. Il n'est jusqu'aux philosophes, lorsque le
raisonnement a atteint sa limite, qui n'y aient recours
comme à un mode de connaissance susceptible de
livrer l'inconnaissable.»