Nombreux sont les écrivains et les philosophes qui, dans le premier
tiers du 20e siècle, se font les porte-parole de ce que Freud
appelle «le malaise dans la civilisation» et tentent d'y apporter des
réponses. Ludwig Klages, l'un des plus radicaux représentants de
cette tendance, est convaincu que la destruction de l'environnement
et la lutte omniprésente des classes, des nations et des sexes, ne sont
pas le résultat d'une crise passagère mais accusent le moteur même
du processus de civilisation : l'esprit, une rationalité destructrice
qui, après s'être introduite dans la cellule vitale de l'être humain,
rend celui-ci aveugle à la cohésion naturelle du monde organique et
sème autour de lui la mécanisation, l'isolement et la mort.
«La mesure répète, le rythme renouvelle.» Tout en levant définitivement
la confusion qui règne entre ces deux concepts, Klages
porte un coup fatal au rationalisme occidental, accusé, depuis Descartes,
de confondre la vie et l'esprit. Il définit par ailleurs les fondements
d'une perspective «biocentrique» sur le monde, qui
oppose à la science un regard émerveillé sur les manifestations de
la vie, et nous fait entrer dans un univers dans lequel le temps
rejoint l'éternité.