Recours au mythe et défi de l'interprétation dans l'œuvre de Michel Fardoulis-Lagrange
Chez Michel Fardoulis-Lagrange (1910-1994), poète d'expression française né au sein de la communauté grecque du Caire, l'œuvre est l'homme, même si celle-ci vise à l'impersonnalité du chœur de la tragédie antique, et le style est l'œuvre. La parole obscure se situe au seuil de l'autre monde. «La poésie restitue au langage, au-delà du récit et du roman, sa véritable fonction, celle de l'interprétation, de l'interprétation de l'interprétation, de la parole infinie. La réalité appartient à la mort, l'oubli de la mort est un chant qui se module éternellement. Les Grecs en savaient quelque chose, qui avaient une telle façon de scander les vers que ceux-ci introduisaient dans le langage un rythme se greffant sur sa propre sonorité.» Tel est l'enchantement, qui masque le vide en se fondant sur lui. Telle est la parole poétique, parole sans représentation, allusive uniquement par un réseau de signes à déchiffrer sur les parallèles effleurant l'aporie, la butée, du a- privatif et de poros. Le passage, la voie de communication par eau et par terre, puis la mer, le lieu de l'épopée, notamment celle des Argonautes, qui parcourt l'œuvre de Fardoulis jusqu'à l'Apologie de Médée. Opacité et pudeur s'allient en cette écriture fluide pareille à la membrane solaire sur les eaux et l'acte poétique projette le poète dans l'extase, qui est absence du sujet. Michel Fardoulis-Lagrange cherche le mythe par-delà la singularité héroïque, dans les catégories pures, dans le rythme du jour et de la nuit du plein et du vide, de la présence et de l'absence en une «dialectique du verbe et du silence».