La pensée est-elle une unité subsistante ? Existe-t-il un problème de la Pensée, indépendamment des applications variées, des productions multiformes, des manifestations éphémères qu’on est tenté d’attribuer à cette cause mystérieuse ? On s’imagine la connaître parce qu’on l’a nommée, et on se plaît dès lors à la croire évidente parce qu’elle est une appellation simple pour cacher la plus secrète, la plus invisible, la plus insaisissable des réalités ou des fictions. Pour préciser, n’est-ce pas même moins de la pensée déjà constituée que des conditions du penser, de l’acte intrinsèque de penser, de la réalité autant que de la possibilité du penser qu’il s’agit d’abord ? Et dès lors ne voit-on pas que ce problème, préalable à tout autre, ne semble pas avoir été aperçu en sa primitive pureté, ni, par conséquent, méthodiquement examiné, ni, encore moins, expressément résolu?
Notre première tâche est donc de discerner ce qui fait question, et de montrer que si, en fait, la pensée a d’ordinaire paru l’instrument propre à résoudre tous les problèmes, c’est elle cependant qui, plus que tous autres, fait elle-même problème. Pour être pleinement éclairante, elle a besoin d’être éclairée sur ses origines, sur sa nature, sur sa destination...