Un imaginaire vient d'en chasser un autre : naguère langue
de la clarté et de la sociabilité, qui s'était rêvée fixée, le français
entrant dans le siècle des révolutions apparaît comme un
idiome aux mots incertains. On a touché à la langue ! Les
anciennes valeurs sont ébranlées, de nouvelles encore à établir :
des langages se disputent la vérité. Le romancier va raconter
l'histoire de ces langages en évolution, ceux qui dominent,
ceux qui disparaissent, ceux qui émergent, ceux qui sont
brimés.
L'écriture romanesque se fait alors herméneutique de la parole.
Stendhal, Balzac, Flaubert, Hugo, ou encore Zola : autant de
philologues d'un nouveau genre. Ils découvrent la complexité
de la communication, alliage de mots et de signes non-verbaux,
de présupposés et de non-dit. Ils révèlent la façon dont les
groupes d'hommes utilisent les mots pour configurer leur
réalité. Ils examinent des types de parole (éloquence de la
tribune, voix de l'opinion, art de la conversation, langage
populaire, discours amoureux). Ainsi la fiction donne-t-elle à
lire, savoir larvé, une anthropologie du langage. C'est cette
science romanesque, à nulle autre pareille, qui constitue l'objet
du présent ouvrage.