La philosophie seconde de Kierkegaard
Écriture et répétition
Que la répétition ait été considérée comme une catégorie déconcertante, ou qu'elle ait été confinée dans le domaine religieux ne mériterait pas d'être reconsidéré si ce n'est parce que le fait de travailler ce concept décisif permet de réinterpréter le projet philosophique de Kierkegaard en son ensemble. Il ne s'agit donc pas seulement d'analyser un des domaines du corpus kierkegaardien délaissé jusqu'à présent par l'intérêt académique. Prendre la répétition pour la clé herméneutique de lecture des textes de Kierkegaard permet au contraire de resituer son oeuvre dans un contexte contemporain marqué par le dépassement de la métaphysique et la réflexion sur le langage.
La lecture existentialiste de Kierkegaard est-elle la seule possible ? Une lecture de Kierkegaard qui le rapprocherait des positions post-métaphysiques ne serait-elle pas convenable ? Kierkegaard suggère lui-même cette direction lorsqu'il recentre sa pensée sur la catégorie de répétition. De fait, dans La répétition, il est explicitement affirmé que « la répétition constitue l'intérêt de la métaphysique et, en même temps, l'intérêt sur lequel la métaphysique échoue » (R, 21/SKS, 25). C'est la catégorie de répétition qui fait précisément échouer le projet métaphysique dans son ensemble, celle qui ruine l'aspiration métaphysique. La répétition signale l'impossibilité de l'adéquation entre pensée et réalité, et donc l'impossibilité de la représentation. Elle déplace dans cette mesure la compréhension de l'existence qui n'est plus dès lors un simple pôle opposé à l'essence. La question de l'existence chez Kierkegaard doit être réinterprétée dans cette perspective.