Vienne, 1965. Leo Singer, étudiant en philosophie, s'éprend de Judith Katz. Tous deux ont grandi loin d'Autriche, au Brésil, où leurs parents, avant la guerre, ont fui le nazisme. Leo croit avoir trouvé en Judith la femme de sa vie, mais il ne cherche dans l'amour que l'énergie nécessaire à la réalisation de son grand œuvre philosophique, dont l'ambition démesurée, teintée d'hégélianisme caricatural, serait de mettre un point final à l'histoire de la pensée. Grande lectrice du Tristram Shandy de Sterne, Judith saisit les ridicules de Leo, mais elle se laisse attendrir par cet étrange chevalier servant. De Vienne à Sao Paulo, en passant par Venise, l'histoire de Judith et de Leo ira pourtant d'échec en échec. C'est que Leo a construit sa vie pitoyable, comme son œuvre inexistante, sur le mensonge et les faux-semblants. Même la chance qui, à Sao Paulo, fera de lui un homme riche, ne servira qu'à mettre en évidence son impuissance fondamentale, jusqu'aux ultimes péripéties de ce roman riche en rebondissements.
A mi-chemin entre Robert Musil et Woody Allen, avec un talent de conteur hors du commun, l'humour féroce de Robert Menasse dresse le constat tragi-comique de la faillite d'un intellectualisme dévoyé avide de penser la fin de l'histoire, et qui sombre dans la bêtise par soif d'absolu.