Pendant trop longtemps, le XVIIe siècle a passé pour celui du
classicisme, défini comme le règne de l'ordre et de l'harmonie.
C'était oublier qu'il a été traversé de bout en bout par un
contre-courant privilégiant l'exubérance et l'asymétrie.
Ce contrepoint, le baroque, ce sont les historiens d'art qui
ont su le reconnaître, bien avant les littéraires.
Pourtant, aucune époque de la littérature française n'a été
plus riche en poètes que celle de Henri IV et de Louis XIII.
Cette anthologie rassemble plus d'une centaine d'auteurs,
d'inspiration très diverse. Si la religion tient encore une place
certaine dans beaucoup de ces poèmes, d'autres sont
d'inspiration franchement libertine. Libertinage de la pensée
autant que des moeurs, leur trait commun étant l'irrévérence
et le refus de l'autorité quelle qu'elle soit. Quant à l'antiquité
gréco-latine, elle est certes omniprésente encore, la mythologie
constituant un inépuisable réservoir d'images et de sujets ; mais
la modernité de la vie quotidienne ne cesse de faire irruption
dans ce monde poétique souvent plus comique que sublime, les
sentiments personnels faisant éclater le carcan des conventions.
Les romantiques ne s'y sont pas trompés, qui, les premiers, ont
redécouvert ceux que Gautier appelait les grotesques : c'est
à l'âge baroque que le poète commence à dire «je».
Ainsi, d'Agrippa d'Aubigné à La Fontaine, de la fin des
guerres de Religion et de l'avènement de Henri IV jusqu'au
début du règne personnel de Louis XIV, le lecteur découvrira,
en suivant les différentes générations de poètes qui se succèdent,
tout le foisonnement des vers signés par Théophile de Viau,
Saint-Amant, Bensserade, Maynard, Honoré d'Urfé, Mathurin
Régnier, Racan, Malherbe et beaucoup d'autres.
Robert Kopp