Au départ de ce livre, un constat : la condescendance avec laquelle les historiens français, toutes tendances confondues et à l'exception de Michelet, ont dénié au peuple, même durant l'épisode révolutionnaire, la capacité d'exprimer spontanément un véritable projet politique. A l'inverse, Roger Dupuy entend montrer que dès l'Ancien Régime existait une «politique du peuple» juxtaposant conservatisme et égalitarisme, solidarité et clientélisme. Elle déterminait le comportement de 80 % de la population du royaume. C'est pourquoi, paradoxalement, sans-culottes et paysans vendéens traduisent les deux versants contradictoires d'une même politique populaire que l'on voit ressurgir en 1830, en 1848 et avec la Commune de Paris.
Quand la République s'impose, après 1880, elle est contestée par le populisme qui, du général Boulanger au Front national, en passant par le 6 février 1934, Vichy et Poujade, prétend mobiliser la rue contre un parlement corrompu et un régime impuissant. En fait, Roger Dupuy estime que la manipulation de certains thèmes de la politique du peuple était chose pratiquée dès l'Ancien Régime. Parallèlement, un populisme de gauche a pu inspirer l'anarcho-syndicalisme, les grèves de juin 1936, le sursaut d'une partie de la Résistance et le gaullisme première manière.
S'inscrivant en faux contre les thèses récentes et à la mode du «peuple contre la démocratie», cet essai soutient, au contraire, qu'il y a eu plus souvent insuffisance démocratique face aux préoccupations des couches populaires, et que la «politique du peuple» n'est ni forcément réactionnaire ni nécessairement «basse politique».