Sait-on qu’il y eut au bagne une catégorie de réclusion spécialement conçue pour les condamnés « coloniaux » de couleur en provenance des Antilles françaises et de la Réunion ? Se souvient-on qu’ils furent environ cinq mille à survivre ou mourir dans les camps les plus durs, employés aux travaux souvent les plus pénibles, avec les forçats, pour des fautes allant du délit de vagabondage au crime d’incendie ? La société créole est en train de se reconstruire, au lendemain de l’abolition de l’esclavage, et reçoit une main-d’œuvre engagée d’origine indienne en bonne place dans les convois qui partent annuellement des Saintes à destination de la Guyane en passant par la Martinique. De même qu’il existe un code pénal colonial, il existe une prison coloniale, et le pénitencier de l’îlet à Cabrit, constitué maison de force et de correction pendant les cinquante années de son existence, est la plaque tournante d’un circuit pénitentiaire hésitant, dans le dédale des législations coloniales, entre exploitation de la population pénale en Guadeloupe (où la colonie veut créer son bagne) et rejet de la même population de « transportés ».