Kedennek continuait d'avancer, comme convenu, pas trop lentement, à petits pas d'une légèreté insolite. Il éprouvait dans son dos une étrange sensation de vide, il comprit que les autres étaient restés en arrière et qu'il avançait seul, et il comprit aussi que le soldat allait tirer sur lui. Il s'écroula, dans l'espace qui séparait les soldats des pêcheurs, à huit mètres environ des pêcheurs. De toute son existence, Kedennek n'avait pensé que voiles et moteurs, pêche et tarifs, mais au long de ces huit mètres il avait eu enfin le temps de penser à toutes les choses possibles. Dans sa tête avaient fait leur entrée toutes les pensées qu'une tête humaine a été créée pour recevoir. Il pensa à Dieu, non pas comme on pense à quelque chose qui n'existe pas, mais comme à quelque chose qui vous a abandonné.