« Il n’est pas facile à l’occupation la meilleure d’avoir bonne réputation auprès de ceux qui s’occupent d’activités toutes contraires. » Pourquoi, demande la République, les philosophes sont-ils ainsi déconsidérés ? Quand Socrate reprend cette question dans le Théétète, il la traite de façon « digressive » et brosse deux portraits antithétiques. Le philosophe est alors vu du dehors : ce n’est pas ce qu’il dit mais sa manière de vivre avec loisir et liberté qui donne lieu à éloge. En comparaison, les urgences, obligations et valeurs sociales semblent risibles. La recherche de la vérité impliquerait-elle un genre de vie différent de celui du commun des mortels ? La situation n’a-t-elle d’ailleurs pas évolué au point de faire du philosophe le détenteur d’une sagesse accessible à tous, face aux langages de plus en plus techniques des divers domaines de connaissance ? À partir d’une lecture profonde du rôle que la digression joue au cœur du Théétète, cet ouvrage explore les différents contextes dans lesquels elle s’inscrit. Il peut ainsi retracer la naissance et l’évolution de la thèse, si influente dans l’histoire occidentale et si discutée aujourd’hui, d’un savoir rationnel, autonome et en droit universel, mais voué à être incompris de la plupart.