Cette enquête historique sur les conflits familiaux s'appuie sur des sources
antiques longtemps envisagées isolément, le théâtre, les plaidoiries judiciaires
et les élaborations philosophiques de l'époque classique athénienne. De Médée
mère infanticide au tyran platonicien incestueux, de Socrate responsable de
l'émancipation des fils athéniens à Démosthène le pupille spolié, du fiston
comique dépensier, ruine de son père, à la jeune fille héritière délaissée, le
conflit familial est en effet un motif récurrent aux multiples facettes dans
la cité démocratique. Conjugalité, fraternité, consanguinité, parentalité,
autant de relations qui, interrogées au prisme du conflit, mettent en lumière
l'irréductibilité et la fragilité des liens familiaux. Les violences familiales,
refoulées et dénoncées, futiles et meurtrières, divines et si humaines, déchirent
l'harmonie du foyer athénien mais aussi l'édifice civique. Dans l'Athènes
classique, la frontière entre moeurs privées et comportement politique
demeure très ténue ; le tyran est ainsi pensé autant comme un fléau pour
ses proches parents qu'un désastre pour la communauté citoyenne. Menace
pour la parenté, germe redouté de la stasis, cette guerre intestine politique, le
conflit familial est encadré par une législation qui tente de protéger avant tout
les géniteurs et les mineurs contre l'ingratitude des rejetons et la cupidité des
tuteurs. Face à un droit criminel athénien qui, à l'image de l'optimiste Solon,
n'a pas souhaité légiférer sur les assassinats intrafamiliaux, seuls les poètes
tragiques et Platon ont stigmatisé l'horreur criminelle du meurtre entre soi.
Les coupables versant le sang de leurs proches deviennent alors des justiciables
exemplaires, ainsi Oreste poursuivi par la fureur des Erynies maternelles ou
le tyran fratricide écorché par un buisson d'épineux infernaux. Politique,
juridique, psychologique et anthropologique, l'étude des conflits familiaux
offre un tableau étonnant du fonctionnement de la parenté grecque.