La technologie désigne bien souvent les « nouvelles technologies » et les « technosciences » qui réduisent la technique aux applications de la science. Pourtant, au xixe siècle, la technologie revêt un autre sens, celui d’une science de la technique, c’est-à-dire d’une science des arts et des intentions fabricatrices. Le caméralisme a joué un rôle fondamental dans l’édification de cette discipline dont l’un des textes fondateurs est l’Entwurf der algemeinen Technologie de Johann Beckmann (1806). Dans cet essai, Beckmann propose une science nouvelle, la technologie générale, qui classe les activités humaines par opérations. Maintes fois cité et jamais traduit, il fallait rendre disponible en français ce texte essentiel, qui a ouvert la voie à une compréhension générale de l’action et à la philosophie des techniques. Tous ceux qui s’intéressent aux savoirs de l’action trouveront chez Beckmann la tentative la plus aboutie de formalisation du geste comme unité fondamentale de l’activité humaine. Pour la première fois, l’Entwurf der algemeinen Technologie a fait l’objet d’une traduction menée par le regretté Joost Mertens, avec la collaboration de Guillaume Carnino et de Jochen Hoock. À l’occasion de cette publication et afin d’approfondir la réflexion sur le creuset européen de la technologie, une analyse est proposée au fil d’articles qui accompagnent la traduction. L’enjeu est d’une part d’étudier un milieu savant à travers sa formation, ses activités, ses techniques intellectuelles et d’autre part, d’interroger les résonances de la technologie.