En 1795, les principes que Thomas Paine a exposés trois ans plus tôt dans
Droits de l'homme, ouvrage grâce auquel il obtient la citoyenneté française,
sont dénoncés par la Convention qui les juge désormais terroristes, anarchistes
et démagogiques. Depuis 1792, le contexte a changé : le gouvernement révolutionnaire
a été institué, puis condamné, les «robespierristes» exécutés et les
derniers Montagnards arrêtés.
Au cours du moment thermidorien, les valeurs incarnées par Paine, auxquelles
la Révolution française s'était identifiée depuis 1789, sont donc remises
en cause. Les principes du droit naturel - les droits de l'homme - ne sont plus
considérés comme les fondements de la liberté mais comme un arsenal pour
les anarchistes et les niveleurs qui a produit la Terreur. Pour ceux qui leur sont
alors hostiles, ces principes ne garantissent pas l'individualisme bourgeois
contrairement à ce que nous avons appris. Portés par Robespierre, ils sont au
contraire la terreur des possédants et pour cette raison rejetés par des figures
tutélaires du libéralisme économique naissant, tels Jean-Baptiste Say et Jeremy
Bentham. Les tribulations de Paine au lendemain de thermidor nous engagent
ainsi à reconsidérer l'interprétation commune de la Révolution française et
nous aident à libérer les possibles que ce récit standard a entravés.