Ils se prennent en photo. Betty s'émerveille, «Oh c'est pas vrai,
tout ça dans un téléphone ! C'est si petit ! J'en aurai vu, des choses».
Elle ajoute : «et la vieille voulait pas mourir parce qu'elle en apprenait
toujours une». Jean jurerait qu'elle lui a fait un clin d'oeil. Puis :
«Mais c'est qu'il est et vingt, je vais préparer le dîner». Resté seul
au salon, il ignore comment il va pouvoir manger à nouveau.
Nous sommes le vendredi 7 octobre 2011, Betty a failli se prendre
une porte en pleine figure, à son âge, cela aurait pu lui être fatal, elle
a cuisiné un petit frichti, proposé un petit kawa, elle a fait un petit
clin d'oeil, et l'écrivain réalise que c'est lui qui vient, par technologie
interposée, de lui raconter sa vie.
À Marseille, Betty, quatre-vingt-quinze ans, s'ennuie. Elle veut raconter
sa vie et personne ne l'écoute.
À Juvisy-sur-Orge, Agathe, vingt ans, sa petite fille, passe une annonce
sur leboncoin.fr. Elle veut trouver l'écrivain qui écrira le livre de Betty.
À Paris, Sonia, neuf ans, redouble cette année. Elle a décidé d'arrêter
de parler.
Jean, écrivain de son état, quarante ans, est l'homme de la situation :
il a répondu à Agathe, écrira le livre de Betty et donne des cours silencieux
à Sonia. Il a du travail en perspective.