Loin des effets journalistiques à caractère sensationnel sur les banlieues, il est temps de comprendre la présente transformation de la question sociale, la remise en cause des réponses apportées à celle-ci, à travers les politiques urbaine, sociale et de sécurité par l'État providence et les tentatives actuelles de renouvellement de ces politiques.
L'analyse développée ici par Jacques Donzelot montre, d'un côté, un processus d'altération de la condition salariale qui s'accroît à mesure que l'on va du centre de la société ou de la ville vers la périphérie, des emplois les plus qualifiés vers ceux qui le sont le moins, voire point - un processus qui, dans les faits, conduit à déplacer la population la plus fragilisée et le plus souvent issue de l'immigration vers les territoires de relégation que constituent beaucoup de cités et de grands ensembles. D'un autre côté, on assiste simultanément à un mouvement en sens inverse, produit par ceux qui veulent quitter la périphérie et éviter toute possible promiscuité.
L'effet couplé de ces mouvements contraires amène à observer un changement de nature de la question sociale, et pas simplement de forme. Parce que le repli identitaire des populations installe au coeur de la société une logique de séparation où l'évitement remplace la confrontation. Se développe ainsi un urbanisme affinitaire qui modifie complètement les termes traditionnels de la cité et installe pernicieusement une ville - comme une société - à plusieurs vitesses.