Ces études peuvent se lire comme la reconstitution d'un parcours, et même, pour parler comme l'auteur auquel elles sont consacrées, d'une aventure intellectuelle qui a consisté pour l'essentiel dans la découverte progressive de Musil non pas comme écrivain, un aspect sur lequel il est suffisamment connu, mais comme penseur, et même, plus précisément, comme philosophe.
Ce qui impressionne chez Musil, c'est à la fois l'étendue exceptionnelle de ses compétences et la rigueur avec laquelle il s'interdit d'en dire plus qu'elles ne l'y autorisent. Il se retrouve ainsi dans la position inconfortable d'un philosophe qui a renoncé, en partie à cause d'un manque de compétences qu'il reconnaît, et en partie aussi parce qu'il se demande si un homme réellement compétent peut avoir aujourd'hui ce genre de prétention, à proposer ce que les philosophes appellent généralement une philosophie. Il lui manque par conséquent la chose principale à laquelle ils reconnaissent habituellement l'un des leurs.
Mais ce manque, constitutif de la modernité elle-même, désigne selon lui la tâche de la littérature et le défi qu'elle doit relever.