Le but de ce livre est de démontrer, pour une période importante du développement de la pensée indienne, l'existence d'un problème qui a occupé la presque totalité des penseurs. Ce problème est lié à une conviction très répandue à l'époque, à savoir le lien intime entre langage et réalité. Cette conviction a donné lieu à l'intuition suivante : non seulement les mots correspondent aux choses et vice-versa, mais il y a une correspondance semblable entre les phrases et les situations qu'elles décrivent. Qui plus est, les éléments qui constituent ensemble cette situation correspondent, un à un, aux mots de la phrase concernée. Cette intuition, plausible à première vue, est inévitablement confrontée au fait que de nombreuses phrases ne décrivent pas une situation réunissant en un seul moment les éléments dénotés par ses mots.
L'importance du problème est prouvée par le nombre de discussions dans la littérature de l'époque qui cherchent à le résoudre sans abandonner l'intuition de base. Ces discussions se centrent le plus souvent sur la possibilité de la production. Si quelqu'un produit quelque chose, cette chose ne fait évidemment pas encore partie de la situation décrite. Les solutions proposées sont multiples et varient dans les différentes écoles du brahmanisme, du bouddhisme, et dans le jaïnisme. Il y a ceux qui nient tout simplement que la chose qui se produit n'existe pas encore. D'autres croient qu'une compréhension correcte de la dénotation résout le problème.
Les discussions autour de ce problème sont à la base de plusieurs idées fondamentales de la philosophie indienne, auxquelles elles ont contribué de façon décisive. Ainsi, le satk(...)ryav(...)da des S(...)mkhyas et autres, et la théorie de apoha de Dign(...)ga. Le livre montre comment l'identification de problèmes (pas toujours explicitement spécifiés dans les textes anciens) permet de mieux comprendre les solutions qu'ils offrent.