Zakhar Prilepine ose et assume le romanesque pour raconter les Solovki - premier camp du régime soviétique, à cent soixante kilomètres du pôle Nord. Créé quelques années après la révolution d'Octobre, il a été installé presque symboliquement dans un haut lieu monastique.
Sans craindre les scènes de genre, les discussions métaphysiques, la folie meurtrière, Prilepine réussit à nous faire croire à l'histoire d'amour d'un détenu et de sa « gardienne » tout en maîtrisant brillamment, sans jamais être pris en défaut quant à l'exactitude historique - il a lu Soljénitsyne -, une narration riche d'une foule de personnages.
Artiom, jeune homme parricide (allusion assumée aux Frères Karamazov) déporté aux Solovki, se retrouve ainsi immergé au milieu d'une population, haute en couleur, de droits-communs, de politiques, de membres du clergé, d'officiers de l'Armée blanche, de soldats de l'Armée rouge, de tchékistes...
Une tentative d'assassinat perpétrée sur la personne du chef du camp va bouleverser de fond en comble le destin de tous les protagonistes. L'ordre sera rétabli, le vrai Goulag pourra commencer avec son cortège d'horreurs.
Dans une langue dense, tenue, charnelle, Zakhar Prilepine, l'écrivain le plus populaire actuellement dans son pays, fixe ce moment nodal où tout va basculer pour faire de la Russie l'enfer d'une autre planète.
Un roman russe, très souvent dostoïevskien, un grand livre !