«Cette Nation, note Boswell dans un célèbre passage de sa Relation de l'île
de Corse, est désignée par la nature pour devenir puissante sur mer ayant
quantité d'excellents ports, et les meilleurs bois de construction». Pascal
Paoli qui en est persuadé fait publier dès mai 1760, lors de la Consulta de Casinca,
ce qui paraît être l'acte de naissance de la marine nationale corse. S'ouvre alors
une période de deux années qui sont des années d'espoir pour le Général : la guerre
de course lui offre, grâce aux multiples complicités qu'il trouve en Méditerranée
occidentale, des revenus qui lui permettent de financer sa lutte, alors que l'île
paraît exsangue ; elle lui permet de prendre langue avec tous les États voisins du
fait des innombrables problèmes qu'elle crée ; elle lui donne l'occasion d'affirmer
haut et fort la légitimité de sa lutte. Les navires insulaires, de guerre comme de
transport, n'hésitent plus à rentrer à Livourne ou à Naples, avec leurs pavillons à
la tête de maure bien en vue.
Inquiets de cette situation et pour gêner sa conquête du Cap Corse, la zone
traditionnellement la plus marchande de l'île, les Génois créent une importante diversion
dans la Plaine orientale : c'est le deuxième épisode matriste. Ils s'appuient
en fait sur le mécontentement de certains chefs et sur l'ambition d'autres, comme
le montre la correspondance d'un Paoli rendu désormais inquiet des ferments de
guerre civile que révèle l'épisode.
Le volume s'achève sur le naufrage de la demi-galère corse, qui affecte toutefois
assez peu Pascal Paoli, pratiquement assuré dès lors de l'emporter sur Matra
et d'éliminer le danger des turbulences internes créées par les ambitions de Costa
et Ciavaldini. Ce qui ne l'empêche pas d'évoquer à nouveau son retrait de la vie
politique : «Je repose dans les bras de la providence, disposé à sortir allègrement
de la scène quand le rideau sera tiré ; ni ma patrie, ni mes amis ne rougiront en se
souvenant de moi». Le temps du retrait n'est pourtant pas encore arrivé...