Les premières oeuvres d'Antonioni avaient impressionné public et critiques par la qualité de leurs images, la rigueur de leur scénario et leur vision particulièrement noire des relations des individus condamnés à ne pas se comprendre. L'Avventura, soudain, rendait caducs ces jugements. La protagoniste, une fois solidement installée à l'écran, était escamotée, son mystère se perdait dans les sables, le scénario, malmené, n'avait pas de conclusion. L'attention se détournait d'abord vers une île, déserte peut-être, pourtant vivante puis, par un lent glissement, un jeu d'images avancées, mises en retrait, reprises, sans commentaires autres que d'ironiques échanges entre un saxophone et une flûte, une silhouette émergeait, une chevelure d'or, une jeune femme, une actrice qui, s'émancipant de son histoire, s'imposait comme un corps heureux, avant de se replier sur l'intrigue pour que le film puisse s'achever. Antonioni, sans rompre avec la fiction, réalisait un film dont le sujet servait la prise de vue et dont les images créaient une personne. Loin du néoréalisme et de ses héritiers, le cinéaste ne décrivait pas une tranche d'Italie quand tout, cependant, parlait de cet ailleurs intensément présent qu'était la péninsule en 1960. L'aventure ? Celle d'une expérience qui renversait l'ordre des facteurs en mettant le film au service d'une actrice.