Pierre de l'Estoile
(1546 -1611)
Journaux-mémoires
Tome VII. 1608-1609
Le Balet de la reine
Le samedi 31 et dernier de ce mois, la reine fit à Paris son ballet magnifique, dès longtemps pourpensé par elle et destiné, mais différé jusqu'à ce jour. Et ne fut qu'en deux lieux, à l'Arsenal et chez la reine Marguerite, où Leurs Majestés trouvèrent la collation magnifique et somptueuse que la dite dame leur avait fait apprêter, qu'on disait lui revenir à quatre mille écus. Entre les singularités de laquelle y avait trois plats d'argent accommodés exprès à cet effet, en l'un desquels y avait un grenadier, en l'autre un oranger, et en l'autre un citronnier, si dextrement et artificieusement représentés et déguisés, qu'il n'y avait personne qu'il ne les prît pour naturels. Et était six heures du matin quand le roi et la reine en sortirent. La petite Paulette emporta l'honneur du ballet, tant par ses bonnes grâces que par sa voix harmonieuse et délicate, qu'on disait, au jugement même du roi, surpasser en bonté et douceur celle du sieur de Vaumesnil : joint que cette petite chair blanche, polie et délicate, couverte d'un simple crêpe fort délié, mettait en goût et appétit plusieurs personnes.