Perçu à tort comme un culte asocial attaché à une culture intimiste faite de méditation, le bouddhisme fut en fait, dès son origine, associé à la contestation du système indien des castes. Les formes qui ont pénétré nos sociétés depuis les années cinquante ont été au préalable occidentalisées en Asie même, s'affirmant comme rationnelles, nationalistes et/ou marxistes, anti-impérialistes, transformant la critique des castes en remise en cause des classes, au mépris de la réalité traditionnelle et en réaction à la colonisation. Après les discrédits jetés sur les «idéologies» d'inspiration capitaliste et communiste, les courants bouddhistes occidentalisés, qui sont aussi maintenant solidement implantés en Occident, recomposent leurs discours et leurs réseaux à travers une double stratégie, par le haut et par le bas, qui s'accompagne de la promotion d'une idéologie présentée comme une «troisième voie» mêlant développement personnel et citoyenneté planétaire: l'individuo-globalisme. Par le haut, les clercs charismatiques mobilisent les institutions occidentales et internationales, sur des causes humanitaires (Viêt-nam, Tibet, etc.), et par le bas ils s'efforcent de sensibiliser les populations à la voie spirituelle bouddhiste. Le croisement de visées politiques transnationales, à base d'utopie altermondialiste et écologique, avec un champ religieux en pleine mutation, confère à des personnalités telles que le dalaï-lama les statuts d'autorité morale, de leader d'opinion et tout à la fois de guide spirituel.