Le Chancelier Nu
Le Chancelier Nu : Je suis Le Chancelier Nu, car je ne connais pas le désir. Ni d'avant, ni de maintenant, ni d'après.
Dame Crapaud : Dites-moi, à quel monde appartenez-vous ? A ce monde-ci ou à ce monde-là ?
Le Chancelier Nu : Je ne suis d'aucun. Je n'ai pas de désir, car je n'ai pas de corps. Je suis la tout simplement. Telle est ma nudité afin de me trouver au passage de la limite.
Dame Crapaud : Mais alors comment êtes-vous fait ?
Le Chancelier Nu : Je suis constitué d'un substitut de corps, composé de dépouilles, de morceaux d'autres êtres.
Pour autant, je n'éprouve rien de leurs passions. J'ai l'apparence humaine. Mais je ne suis pas humain.
Dame Crapaud : Et qu'êtes vous alors ?
Le Chancelier Nu : Rien. Malheureusement je ne suis rien. Etant dans le néant, je reste dans le néant
Dame Crapaud
Dame Crapaud : Plût au ciel que j'eusse eu la force de dire non. D'avoir crié non, plus fort que le vent, plus haut que la violence, plus clair que la vérité. Mais un gouffre s'est ouvert sous mes pas. J'ai été happée, engloutie, dissoute. D'avoir tergiversé, tout mon malheur est né. Jadis, savez-vous, j'étais jeune, belle et désirée. Nulle fleur d'aucun jardin ne pouvait soutenir mon éclat.
« Le personnage du chancelier Nu ni vraiment vivant ni vraiment mort, mais se situant entre les deux mondes est très proche des personnages et des histoires de la littérature fantastique anglo saxonne du XIXème siècle. Les échanges entre ces deux êtres marginalisés, Le chancelier Nu, ce mort-vivant, et Dame Crapaud qui porte le poids d'une écrasante culpabilité, ont la vertu curative de la parole exprimée. »
Jean-Michel Ropers, metteur en scène