La mise en série de ces quatre écrivains : Artaud, Jouhandeau,
Genet, Klossowski, peut surprendre le spécialiste de littérature
et des lettres en général. N'est-ce pas l'alliance de la carpe et du
lapin, une sorte de bric-à-brac où le lecteur ne retrouve plus ses
marques ? Oui, rapportée à des enjeux internes à la littérature - à
ses courants, à son histoire, à ses réseaux -, cette série est mal ficelée.
Elle est pour nous pertinente à un autre titre. Le titre choisi pour
cet ouvrage apporte une direction de réponse : le choix de l'écriture.
Comment pour chacun de ces écrivains, cette question d'opter pour
l'écriture (et la littérature) s'est-elle trouvée posée ?
Affirmons une thèse : l'écriture est un traitement du réel - entendu
ici comme l'exclu défini du sens, comme ce qui se rencontre comme
inassimilable. Le réel, c'est l'impossible, dira Lacan à la fin de son enseignement.
Comment entendre cette référence au réel qui ne se réduit
pas aux formes concrètes de la réalité (biographique ou autre) ? Le
concept de style ouvre une voie. Le style - d'un écrivain, d'un poète,
d'un peintre mais aussi d'un théoricien - est inséparable d'un point
spécifié de réel - soit ce qui échappe à toute prise du mot, de l'image,
de la représentation ou du concept. Précisément, la fonction (et
l'usage) du mot, de l'image, de la représentation, du concept est,
non point de réduire ce réel, mais de l'épurer, de le mettre aux
commandes de l'acte - de l'acte d'écriture, de poésie ou de création
d'images. Ce réel est cause.
Aussi, l'auteur, qu'un nom propre désigne, est moins la cause que
l'effet de son oeuvre.
Mettons à l'épreuve cette thèse : l'écriture est un traitement du
réel, à propos justement de ces quatre grands écrivains. La lettre,
qui indexe un style (et non «le» style), est désormais à traiter
comme telle - à la lettre justement. Quelles surprises, allons-nous
découvrir ?