Pour alimenter et rentabiliser leur toute récente invention, le
Cinématographe (1895), les frères Lumière dépêchèrent aux quatre points
cardinaux de la planète des opérateurs qui ouvraient des salles, filmaient
les curiosités locales et les projetaient illico, profitant de la curiosité
soulevée par leur séjour.
La corrida, lumineux spectacle de plein air aisément accessible à
la technique de l'époque, séduisit les décideurs de la maison lyonnaise.
Au faste de sa mise en scène s'ajoutait un scénario saturé d'émotions,
préfigurant les films d'action qui n'allaient pas tarder à recueillir les faveurs
du public.
On tourna ainsi, de 1896 à 1899, en France et en Espagne, à Nîmes
et à Béziers, Séville et Barcelone, des scènes taurines avec les plus grandes
vedettes. Pour l'amateur de corridas et le cinéphile passionné qui s'intéressent
à l'histoire et aux premiers pas de leur art préféré ce livre est une aubaine :
l'aficionado a los toros pourra revivre avec émerveillement, taureau après
taureau, les courses de l'époque et découvrir véritablement cette tauromachie
«fin de siècle» qu'on essaie parfois de lui présenter sous un jour bien
différent ! Quant au «fana» du grand écran, habitué à l'esthétique
cinématographique la plus sophistiquée et la plus raffinée, il découvrira
avec étonnement que les premiers signes d'un récit filmé organisé
apparaissent dans ces petites bandes et que ce sont les impératifs de
tournage d'une course de taureaux qui ont conduit à poser les fondations
des futurs piliers du septième art !