Le conservatisme (le « conservatisme de Russie ») a été adopté en août 2009 comme « idéologie de stabilité et de développement » du parti du pouvoir de Vladimir Poutine, Russie unie, fondé en 2001. Poutine lui- même se définira comme conservateur en septembre 2013. Il s'agit là d'un retournement idéologique complet par rapport à l'époque soviétique, qui suffirait à justifier une étude sur ce nouveau tournant de la Russie. Quelles sont les sources du conservatisme en Russie, quelles sont ses caractéristiques, qui sont ses penseurs, tous à l'index à l'époque du parti unique (1918-1990), quel est son rôle actuel et sa spécificité par rapport aux (néo-)conservatismes d'Europe ou des États-Unis ?
C'est à toutes ces questions, qui concernent l'Occident dans la mesure où le conservatisme russe se construit en opposition à lui et se veut un modèle à exporter, que répond cette première histoire du conservatisme russe. Né en réaction aux brusques réformes « occidentales » de Pierre le Grand, banni par la révolution bolchevique (qui deviendra conservatrice avec Staline), réhabilité en opposition au libéralisme sauvage des années Eltsine, le conservatisme russe, qui se dégrade avec le temps, a jusqu'ici paradoxalement conduit à anéantir le pouvoir qu'il voulait conserver : le conservatisme réactionnaire rejeta le conservatisme libéral et conduisit la Russie impériale à sa chute ; la « stagnation » de l'époque de Brejnev rendit inéluctable le dégel gorbatchévien et la chute de l'URSS ; le national- conservatisme répandu sous le long règne de Poutine sert à justifier une guerre impérialiste qui le met au ban de l'histoire et ruine le monde.
Abondamment illustré de textes de conservateurs russes traduits pour la première fois en français, cet ouvrage replace le conservatisme d'aujourd'hui dans la longue histoire politique et intellectuelle de la Russie, en le présentant dans toute sa diversité, du plus modéré au plus extrémiste. Il aidera à discerner les racines de l'entreprise actuelle de dévastation de l'Ukraine indépendante.